samedi 30 novembre 2013

L'Iran rejoint les États qui ne sont pas sûrs.

L'Iran n'est plus un "État voyou". Il ne l'est pas davantage, désormais, que les pays dotés d'armes nucléaires qui lui refusaient d'avoir une industrie nucléaire parce qu'il pouvait construire des bombes atomiques ! Un article paru dans Il Manifesto fait le point. Jusques à quand vivrons-nous dans une hypocrisie géante étendue à l'échelle planétaire ?
 Voilà « le monde plus sûr »


Par Manlio Dinucci
Édition de mardi 26 novembre 2013 de Il manifesto

Enfin « s’est ouverte la route vers un monde plus sûr, un avenir dans lequel nous pouvons vérifier que le programme nucléaire de l’Iran soit pacifique et que celui-ci ne puisse pas construire une arme nucléaire »

La bonne nouvelle est annoncée, un mois avant Noël, par le président Obama, Prix Nobel de la paix qui vient de rendre le monde plus sûr en ordonnant de potentialiser les centaines de bombes nucléaires que les États-Unis maintiennent en Europe : les B61-11 sont transformées en B61-12, qui peuvent être utilisées aussi comme bombes anti-bunker dans une first strike nucléaire.

Ceci entre dans la « carte routière » de l’administration Obama pour garder la suprématie nucléaire des États-Unis. Ils disposent d’environ 2150 têtes nucléaires postées, c’est-à-dire prêtes au lancement par missiles et bombardiers, plus 2500 autres stockées dans des dépôts et rapidement activables, auxquelles s’ajoutent plus de 3000 autres retirées mais non démantelées et donc réutilisables : au total environ 8000 têtes nucléaires.

L’arsenal de la Russie est analogue, mais celle-ci a moins de têtes prêtes au lancement, 1800 environ. Le nouveau traité Start entre États-Unis et Russie ne limite pas le nombre des têtes nucléaires opérationnelles dans les deux arsenaux, mais seulement celles qui sont prêtes au lancement sur des vecteurs stratégiques avec une portée supérieure à 5500 Kms : le toit est établi à 1550 de chaque côté, mais il est en réalité supérieur car chaque bombardier lourd est compté comme une seule tête même s’il en transporte vingt ou davantage. Le traité laisse ouverte la possibilité de potentialiser qualitativement les forces nucléaires. À cet effet, les États-Unis sont en train d’installer en Europe un « bouclier » anti-missiles, officiellement pour neutraliser une attaque iranienne (impossible au stade actuel), en réalité pour obtenir un avantage stratégique sur la Russie, laquelle est en train de prendre des contre-mesures. En plus de celles des États-Unis, l’OTAN dispose d’environ 300 têtes nucléaires françaises et 225 britanniques, quasiment toutes prêtes au lancement.

Israël – qui constitue l’unique puissance nucléaire au Moyen-Orient et, à la différence de l’Iran, n’adhère pas au Traité de non-prolifération – possède selon les estimations de 100 à 300 têtes avec leurs vecteurs et produit suffisamment de plutonium pour fabriquer chaque année entre 10 et 15 bombes du type de celle de Nagasaki ; il produit aussi du tritium, un gaz radioactif avec lequel on fabrique des têtes neutroniques, qui provoquent une contamination radioactive moins grande mais une plus haute létalité.

En même temps s’accroît la confrontation nucléaire Asie/Pacifique, où les Etats-Unis sont en train d’effectuer une escalade militaire. La Chine possède un arsenal nucléaire, estimé à environ 250 têtes, et environ 60 missiles balistiques intercontinentaux. L’Inde possède environ 110 têtes nucléaires ; le Pakistan 120, la Corée du nord probablement quelques têtes. En plus des neuf pays possédant des armes nucléaires, 40 autres au moins sont en mesure de les construire. En fait, il n’existe pas une séparation nette entre utilisation civile et utilisation militaire de l’énergie nucléaire et, par les réacteurs, on obtient de l’uranium hautement enrichi et du plutonium adaptés à la fabrication d’armes nucléaires. On calcule qu’il s’en est accumulé dans le monde une quantité telle qu’on peut fabriquer plus de 100 000 armes nucléaires, et on continue à en produire des quantités croissantes : il y a plus de 130 réacteurs nucléaires « civils » qui produisent de l’uranium hautement enrichi, adapté à la fabrication d’armes nucléaires.

Voilà quel est le monde qui « devient plus sûr » parce que les 5 plus grandes puissances nucléaires, plus l’Allemagne (qui a fourni à Israël les sous-marins d’attaque nucléaire), ont conclu l’accord selon lequel « le programme nucléaire iranien sera exclusivement pacifique ».

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20131126/m...

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

mardi 19 novembre 2013

La 5e République et la pérennité du nucléaire militaire


https://pbs.twimg.com/media/BHTr1EOCEAEeZuk.jpg:large


Véronique Fouillouse, présidente de la C6R de Saône et Loire, était présente au café citoyen qui s’est tenu le 30 septembre dernier à Montpellier. Elle en fait un retour sous la  forme d'un compte-rendu très synthétique. Il mérite la lecture.
http://www.c6r.org/spip.php?article1155

Sur la question syrienne, contrairement aux députés britanniques qui ont voté non et au Congrès américain habilité à le faire depuis le « world power act » passé sous Reagan, le parlement français ne pouvait pas être consulté, car la constitution de la 5e république le lui interdit. Le président décide seul. C’est une conception monarchique et absolutiste qui ne date pas de la constitution de 1958, mais plus tard de l’arme nucléaire en 1964 sous la présidence du Général de Gaulle

Article 21 de la constitution : « le premier ministre est responsable de la défense nationale »
Article 20 : « le président dispose de la force armée »
Article 15 : « le président est le chef des armées ».
Le décret du Général de Gaulle du 14 mai 1964 charge le président de la république de la force nucléaire.
Sous Valéry Giscard d’Estaing elle est étendue à toutes les forces stratégiques.
Avant d’être président François Mitterrand était contre, mais deux ans après son élection, le 16 novembre 1983, il déclare : « l’intervention de la force de frappe relève de la décision d’un seul, le chef de l’Etat, c’est moi ».

C’est absolument unique au monde ! Et pourtant l’arme nucléaire coûte un maximum. Quand en discute-t-on en France ? Le débat parlementaire n’a jamais eu lieu.
En 2008, Nicolas Sarkozy a révisé la constitution.
Article 35 révisé : la déclaration de guerre n’existe plus, un débat à l’assemblée doit avoir lieu 3 jours après l’intervention militaire, mais sans vote du parlement.
Article 50 révisé : le gouvernement peut prendre l’initiative de provoquer un débat et un vote, 4 mois après le début de l’intervention, mais sans engager sa responsabilité !
Article 49 révisé : le président est conseillé par un comité à huis clos de 16 personnes, mais il décide seul.

De toute façon si le gouvernement engageait sa responsabilité, il prendrait le risque d’être renversé, mais dans ce cas le président s’empresserait de dissoudre l’assemblée. On est où ? Dans une république bananière ? Droite ou gauche c’est pareil !.La démocratie est en faillite, vivement la 6e république !

Remarques : La constitution de la 6e république prévoit bien sûr de retirer au président son domaine réservé en matière de défense, c’est le premier ministre, le véritable chef de l’exécutif, qui en devient responsable devant l’assemblée nationale, comme dans toutes les autres démocraties du monde.

L’Union Européenne a les moyens d’agir, mais elle ne les utilise pas.

La constitution a été modifiée 25 fois en 55 ans, mais 24 fois par la droite et une seule fois par la gauche (réforme du quinquennat en 2002).

François Hollande n’a pas provoqué de débat sur la question institutionnelle. La commission des lois avait fait des propositions il y a un an, mais rien n’a changé.

La France est pourtant le pays des droits de l’homme, et la tradition veut qu’on débatte. Mirabeau disait en son temps que le parlement est souverain. Pourtant sur la question nucléaire, on éteint à l’avance toute délibération. Les parlementaires ne sont plus représentatifs de la société française. Il faut donc que le peuple s’empare de cette question.

Véronique Fouillouse.
veroniquefouillouse@wanadoo.fr