lundi 10 octobre 2011

Sortir du nucléaire civil et militaire : adresse à tous les candidats de 2012

Par Jean-Pierre Dacheux

Le moment est venu de tenter de contribuer à une réflexion commune sur la nécessaire unité des luttes antinucléaires.

1 - Le lien entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire est fait. Nous avons tardé, après Tchernobyl, à le mettre en évidence. Après Fukushima, cette évidence a surgi d'elle-même. Des réticences demeurent, notamment dans le pays le plus nucléarisé de la planète : la France. Uranium, plutonium, c'est le même combustible que l'on utilise dans les centrales et dans les bombes, fut-ce avec des adaptations techniques. Ce sont les mêmes lieux de production qui fournissent la matière fissile utilisable à des fins civiles ou militaires.

2 - Le lien entre les luttes locales et les luttes globales devant aboutir à l'élimination des armements nucléaires n'est pas encore totalement établi. Il y a des raisons à cela qui ne sont pas négligeables !

Immense est la déception de ceux qui, depuis des décennies, constatent que les discours et les initiatives, qu'elles soient portées à l'ONU ou par des organismes internationaux, n'aboutissent à rien. Continuer à croire que les États dotés d'armes nucléaires vont s'entendre pour désarmer est un leurre. Pourtant, ceux qui travaillent à la prise de conscience internationale ne se sont jamais résignés, compte tenu de l'urgence et de la gravité des périls pour l'espèce humaine tout entière.

Dans les pays dotés, on se demande si le plus efficace ne serait pas d'agir État par État. En France, en particulier, une campagne pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France s'engage sous l'égide du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente). Cette campagne n'est contestée par personne, mais ceux qui la soutiennent sont engagés sur deux voies parallèles : dans l'une s'affirme la compatibilité avec les campagnes à caractère international ou général ; dans l'autre, il n'apparaît pas possible de promouvoir une campagne et une autre, tout à la fois, d'autant que rien n'indique que la signature d'une convention d'élimination des armes nucléaires soit envisageable à court et moyen terme.

Le débat est nourri. Les priorités semblent différentes. Pourtant, cette différence, si elle est actuellement irréversible n'est ni irréductible ni insurmontable. Accepter des analyses différentes ne signifie pas les approuver toutes ! Nul ne possède la vérité, même s'il la recherche avec conviction.

Ceux qui doutent de l'efficacité et de l'utilité de campagnes visant à obtenir la tenue d'une Convention internationale pour l'abolition des armes nucléaires, compte tenu des échecs constants que, jusqu'à présent, l'on a pu constater, ne sont pas fondés à proclamer qu'il en sera toujours ainsi ! Probabilité n'est pas certitude.

Ceux qui doutent de l'efficacité et de l'utilité d'une campagne qui, en France, viserait à obtenir la tenue d'un référendum d'initiative populaire, (compte tenu de l'état actuel du droit constitutionnel à propos d'une telle consultation, et à cause de l'inexistence d'une majorité permettant d'être satisfait et sur l'organisation et sur le résultat d'un tel référendum), ne sont pas, pour autant, fondés à proclamer que l'initiative est vouée définitivement à l'échec. Au terme d'un débat, un référendum peut signer, officiellement, le consensus obtenu.

C'est temps perdu et usure d'énergie que de séparer, au lieu de distinguer, les deux campagnes : celle qui, en France, interpelle les citoyens, partis et autorités politiques sur l'urgence d'un désarmement unilatéral, d'une part, et celle qui, en France, en Europe et ailleurs, interpelle l'opinion mondiale, les organisations antinucléaires et les États, sur l'urgence d'un engagement effectif pouvant conduire à un désarmement nucléaire généralisable, d'autre part.

3 - « Sortir du nucléaire » est une locution qui s'utilise dans toutes les situations !

Sortir du nucléaire civil va s'imposer, certes à des rythmes différents, mais de façon définitive partout où les risques pour les populations sont manifestes. Or, c'est le cas partout, à courte, moyenne ou longue échéance, si ne sont pas effectués, à temps, les démantèlements indispensables et si surtout l'on continue à accumuler des déchets non recyclables, dangereux et dont on ne sait que faire.

Sortir du nucléaire militaire, en France, est une exigence non séparable de l'abandon des centrales mais qui a, plus encore, un intérêt vital pour un pays qui n'a ni les moyens, ni les motifs, ni le droit éthique et politique d'entretenir une force aéroportée, sous-marine ou ensilée, laquelle, qui plus est, apparaît comme la manifestation obsolète, et vaine, d'une puissance internationale qui n'est plus.

Sortir du nucléaire, au XXIe siècle, partout où sont stockées les missiles, fait partie de la révolution technologique et planétaire rendue inévitable par les risques croissants liés à la prolifération, à la sophistication et à la maîtrise non totalement garantie d'armes aux effets incalculables sur une planète peuplée comme jamais au cours de l'histoire.

Autrement dit, tous ceux qui, avec des motivations ou des analyses diverses, se sont engagés dans un travail citoyen ne pouvant s'achever que par la réussite ou... la fin du monde, n'ont d'autre choix que de travailler en parallèle, puis converger. C'est le même point qui est visé ; c'est dans la même direction qu'il faut se déplacer pour agir.

L'énergie nucléaire, quel que soit l'usage qu'on en peut faire, est nuisible aux humains. L'affirmer, le prouver, en convaincre l'opinion française, européenne et planétaire est une nécessité dont l'urgence a été sous estimée du fait que, depuis la fin de la Guerre froide, les menaces semblaient s'être atténuées. Tchernobyl, en 1986, peu avant la chute du Mur de Berlin, n'a pas été pour rien dans l'effondrement de l'Union soviétique. Fukushima, en 2011, aura marqué un nouveau repère dans l'histoire des relations internationales. Que l'événement se soit produit au Japon, là où, à Hiroshima, a eu lieu le premier bombardement nucléaire, retentit comme un avertissement exceptionnel : l'énergie nucléaire déborde toutes les possibilités que les hommes peuvent rassembler pour la maîtriser.

4 – Nous n'avons plus des dizaines d'années devant nous !

Mohamed ElBaradei, pro-nucléaire, et ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), jusqu'en 2009, estime, dans Le Monde du 29 septembre 2011, que, « pour les cinquante prochaines années, on aura besoin du nucléaire ». Il n'en affirme pas moins « qu'il va falloir améliorer la sureté pour les 430 réacteurs en exploitation dans le monde » et que « la transparence doit aussi porter sur les coûts réels, depuis la construction jusqu'au démantèlement ». Il va même jusqu'à conseiller de rassembler tous les déchets dans deux ou trois pays, dont la Russie ! Il est hostile à toute prolifération militaire mais le niveau des exigences qu'il considère comme incontournables, notamment en matière de contrôle que tout État devrait accepter, en matière civile comme militaire, revient, sauf à n'y rien comprendre, à dire que, nous avons, tout au plus, quelques dizaines d'années pour en finir avec l'ensemble des utilisations de l'énergie nucléaire !

L'association Négawatt ne donne, elle, pas plus de 25 ans pour supprimer les centrales nucléaires en France. Dans Le Monde du 30 septembre 2011, est annoncée la publication, début octobre, d'un scénario qui sera soumis aux candidats qui se présenteront, en 2012, devant les électeurs français. Convergent, ainsi, des initiatives qui ont en commun de vouloir que la question nucléaire cesse de passer aux oubliettes, alors que le sort du monde est en jeu, alors que le terrorisme des plus fanatisés des anti-occidentaux pourrait se porter vers des lieux sensibles pouvant enclencher des catastrophes, notamment par des agressions contre les centrales.

L'unité des luttes antinucléaires doit s'afficher. Qu'ils soient unilatéraux (en France et/ou ailleurs) ou internationaux, le désarmement et le démantèlement nucléaires font partie, désormais, des questions prioritaires qu'aucune organisation politique ne peut passer sous silence sous peine d'irresponsabilité et donc d'incompétence.

Aux citoyens de se saisir de cette question primordiale dont dépend l'avenir des générations qui vont nous succéder. Cela ne peut s'effectuer dans la contradiction et l'isolement. Que cette pré-occupation envahisse la scène politique, tant pour les élections législatives que présidentielles, (et probablement au-delà !), dépend de nous.

Le 30 septembre 2011

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