lundi 30 mai 2011

De "sortir du nucléaire" à... "sans nucléaire".




Pari risqué ? Risque lourd ? Ce n'est pas seulement une sortie du nucléaire qu'a annoncée Angela Merkel, c'est une société sans nucléaire dans laquelle l'Allemagne va s'avancer à un rythme que même les écologistes, notamment en France, ne croyaient pas possible : dix ans !

La chancelière-physicienne n'a pas pris sa décision toute seule. Il n'y a pas de château de l'Élysée en Allemagne où règnerait un décideur unique et incontestable ! Il y a gros à parier que, plus que l'opinion publique, favorable à cette option, plus que les Grünen dont l'audience électorale ne cesse pourtant de progresser, ce sont des choix économiques et politiques majeurs qui ont conduit à trancher, apparemment de façon irréversible.

On ne met pas en péril l'économie européenne la plus active et la plus puissante pour des raisons purement politiciennes. Le choix des Allemands (et des Suisses, ne l'oublions pas) repose sur la conviction que l'isolation généralisée des bâtiments et le recours à des énergies renouvelables multiples (et pouvant être rapidement mieux utilisées et mieux exploitées grâce à des technologies nouvelles) va permettre de réaliser des "économies" budgétaires sur l'énergie et ouvrir un gisement d'emplois considérable.

On objectera que ces considérations ont déjà cours ailleurs, et même en France. Pourquoi alors, est-ce en Allemagne qu'on a osé, en dépit des pressions énormes et multiples des industriels du nucléaire et des partenaires européens, français et anglais notamment ?

Tout donne à penser que le choix était préparé depuis longtemps et que Fukushima l'a rendu possible. On ne peut mener une politique énergétique d'avenir en ayant deux fers au feu. L'effort à entreprendre est tellement gigantesque qu'il faut ou bien investir dans le nucléaire ou bien investir dans le solaire d'abord, puis l'éolien, l'hydrolien, la biomasse, la géothermie etc..., à un rythme jamais encore connu.

Les risques du nucléaire, y compris ceux qu'on ne peut prévoir encore (comme la chute d'un aéronef sur une centrale) ont fait le reste. Le nucléaire n'est sûr et rentable qu'à la condition que le risque d'accident soit nul, et ce n'est pas parce que les Français l'affirment tel que c'est crédible ! Le risque nul est impensable. Les trois catastrophes historiques survenues aux USA, en URSS, puis au Japon démontrent le contraire. Plus encore : la multiplication des centrales engendre des occasions d'accident dont les effets ne connaissent aucune frontière. Il faudra bien que tous les pays où sont installés des centrales en tiennent compte et c'est pourquoi la décision allemande a, d'ores et déjà, une portée planétaire et va exercer une pesée sur l'Europe.

Si la Suisse abandonne et démantèle ses centrales nucléaires, si l'Italie ne se relance pas dans une source d'énergie qu'elle avait abandonnée, si l'Espagne, championne de l'éolien, renonce à se mettre sur les rangs des États nucléarisés, si l'Autriche maintient son refus absolu, il va y avoir, au sein de l'Union européenne un vif débat ! Ou bien les derniers espoirs d'une Europe politique vont s'effondrer parce que les États dominés par des complexes militaro-industriels (la France et la Grande-Bretagne, détentrices d'armes nucléaires, ne se résoudront qu'à très grand peine à se défaire des signes leur puissance), ou bien il va falloir aller plus loin que l'Allemagne et créer une zone de sécurité civile et militaire sans nucléaire. On ne fait qu'ouvrir la boîte de Pandore.



Angela Merkel n'est pas Pandore et n'a pas cherché pas à ouvrir la boîte mais à la refermer. Rappelons-nous le symbole mythologique : Pandore fut créée sur l'ordre de Zeus qui voulait se venger des hommes pour le vol du feu par Prométhée. Zeus offrit la main de Pandore à Épiméthée, frère de Prométhée. Pandore apporta dans ses bagages une boîte mystérieuse que Zeus lui interdit d'ouvrir. Celle-ci contenait tous les maux de l'humanité ainsi que l'Espérance. Une fois installée comme épouse, Pandore céda à la curiosité et ouvrit la boîte, libérant ainsi les maux qui y étaient contenus. Elle voulut refermer la boîte pour les retenir il était hélas trop tard ! Seule l'Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée.

L'espérance, aujourd'hui, est celle qui commande de ne plus faire souffrir l'humanité tout entière par volonté de puissance et appât du gain cumulés. Il va s'agir d'en convaincre les citoyens qui ont à décider, l'an prochain, de continuer sur une voie à court, moyen, ou long terme, suicidaire, ou qui vont engager la France, à son tour, dans la Voie, dont parle Edgar Morin, d'une éco-politique planétaire, laquelle passe nécessairement par le sur-investissement dans les énergies renouvelables.

On nous aura longtemps donné à débattre sur le "principe de précaution" qu'on a même installé dans la Constitution française. Mais de quelle précaution s'agit-il, vraiment ?

En février 2005, le Parlement réuni en Congrès a inscrit dans la Constitution la Charte de l'environnement, installant par là même le principe de précaution (art. 5) au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

S'il est un sujet sur lequel le principe de précaution s'impose, désormais, après Fukushima, c'est bien le nucléaire dont non seulement il faut sortir mais sans lequel il nous faudra tôt ou tard vivre. Et le plus tôt sera le mieux.



http://fr.wikipedia.org/wiki/Pandore
http://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_pr%C3%A9caution

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