vendredi 18 novembre 2011

Vers un fascisme nucléaire ?

Le fascisme, de fascio (le faisceau des licteurs romains), est, dit Le Robert, "le système politique que Mussolini établit en Italie en 1922 (totalitarisme, corporatisme, nationalisme et respect des structures capitalistes)".



Le symbole est fort : ce qu'une force ou un personnage isolé ne peuvent accomplir, rapprochés, unis, serrés en un même faisceau, les composantes d'une organisation politique le peuvent, et deviennent impossible à briser.

Ce qui est vrai d'un parti, d'un mouvement, soudés dans une unité insécable, peut l'être d'un lobby, d'une secte, d'une organisation secrète. Or tout se passe comme si, en France, la solidarité des composantes du lobby nucléaire les rapprochait en un même faisceau à caractère totalitaire, corporatiste, nationaliste et respectueux des structures capitalistes comme dit le dictionnaire !

Avec une assurance sidérante, l'actuel premier ministre, François Fillon, fustige, calmement, avec autorité, ceux qui veulent renoncer au nucléaire qu'il juge irresponsable et incapables !

Il n'aura pas même fallu une année entière avant qu'on ne tente d'effacer le syndrome de Fukushima. Le silence, après la stupeur planétaire du 11 mars 2011, aura été de courte durée. Il fallait aux nucléocrates reprendre la main. Ils s'y emploient.

Là où l'on peut parler de fascisme nucléaire, c'est quand l'on voit se réunir et se lier des politiciens de tous partis, des scientifiques hautement qualifiés, des chefs d'entreprises concernés, voire des syndicalistes défendant l'emploi des travailleurs des centrales, pour faire perdurer ce qui éblouit les apprentis sorciers : une énergie sans limite qu'on parvient, jusqu'ici, à maîtriser !

Ce qui s'est produit à Three Mile Island, aux USA, (le 28 mars 1979) à Tchernobyl en Ukraine (le 26 avril 1986) ou à Fukushima au Japon (le 11 mars 2011), et ce qui a pourtant failli se produire au Blayais (lors de la tempête du 27 décembre 1999) ne saurait, nous dit-on, se produire en France ! Le risque statistique d'accident majeur n'est pourtant pas nul dans un pays qui compte 58 réacteurs, certains déjà anciens, et dont le démantèlement (on le constate à Brennilis) prendra des décennies !



On peut entendre que sortir du nucléaire sera ou serait très difficile ; on ne peut admettre qu'il soit dit que ce sera ou serait impossible. Si c'était le cas, la non réversibilité de l'industrie nucléaire en marquerait le caractère totalitaire et, plus encore, le blocage de toute modification de notre politique énergétique.

On peut accepter d'entrer dans un débat tendu et reconnaître que des milliers d'emplois soient à prendre en considération. Il n'est pas concevable de se retrouver en face de hauts responsables affirmant que le débat est clos et que l'on ne peut supprimer des centaines de milliers (sic) d'emplois ! À cet égard, Nicolas Sarkozy et Henri Proglio ont osé des propos non seulement mensongers mais violemment péremptoires dont les citoyens informés ne sauraient tenir compte !

On peut soutenir que les compétences et les réalisations des acteurs du développement de l'industrie nucléaire sont, en France, exceptionnels. Il est illogique et choquant d'entendre dire que l'Allemagne se fragilise en renonçant au nucléaire alors qu'elle est la première puissance industrielle d'Europe et qu'on lui emprunte même de l'électricité au plus froid de l'hiver !

Le risque politique est énorme : il s'agit de savoir si la reconversion de la France aux énergies renouvelables, de façon rapide, massive et définitive est ou non envisageable. Or, en cette période de difficultés économiques, demeurer dans le même modèle industriel alors que feront de plus en plus défaut les combustibles fossiles (y compris l'uranium) est, pour le coup, irresponsable !

Une autre question majeure, bien présente actuellement, concerne le sort de l'Europe. Deux aspects sont, ici, à considérer. D'une part ceci : le choix nucléaire de la France et le choix non nucléaire de l'Allemagne, alors que ces deux pays prétendent tirer ensemble l'attelage économique européen, sont-ils tout simplement compatibles ? D'autre part, dans une Europe solidaire, la France peut-elle imposer à ses voisins son choix national pronucléaire alors que l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, la Belgique, non loin l'Autriche, ont renoncé au nucléaire. Il n'est pas de frontières entre ces États en cas d'accident majeur. La politique nucléaire ne peut qu'être européenne, hors la majorité des pays d'Europe, à commencer par les plus proches de la France, sont décidés à sortir du nucléaire.

L'entêtement français oblige le gouvernement à durcir sa position et à adopter une orientation très autoritaire mettant en question le débat démocratique. Ce gouvernement qu'il soit celui de l'UMP ou celui du PS est ou sera dominé par la pression qu'AREVA et EDF exercent, avec le désir de faire, de leur modèle d'EPR, un projet rentable au niveau international ! Non seulement, pour ces géants industriels, qui ne manquent pas de cerveaux, on ne peut sortir du nucléaire mais... c'est l'avenir ! Il n'y a pas, avec eux, de compromis possible.

Mais, ultime question politique (si ce n'est la principale !), derrière le nucléaire civil se profile le nucléaire militaire. L'oublier, c'est se fermer les yeux sur la priorité du complexe militaro-industriel qui est lié, bien sûr, à des intérêts financiers gigantesques mais qui, surtout, est associé à une idéologie politique née après la seconde guerre mondiale et que De Gaulle a imposée : celle de la dissuasion. Tout ennemi éventuel doit savoir que la France dispose des moyens de se défendre en le réduisant en cendres. La défense du territoire et l'indépendance économique commandent : la France est une puissance nucléaire et entend le rester. Il y va de son statut face au monde entier. Seule contre tous, s'il le fallait, la France, du moins ses dirigeants actuels, continuent de penser notre pays comme un État-nation dominateur. Nous ne sommes pas, à cet égard, sortis du XXe siècle et des logiques qui ont entrainé des conflits monstrueux. Nous ne sommes pas encore convertis à une sécurité fondée sur la solidarité européenne. La France reste un État nationaliste et sa politique industrielle ou militaire en est totalement imprégnée.

On ne peut engager d'action de sensibilisation de l'opinion sans savoir qu'on va se retrouver face à une opposition multiforme, déterminée et pour qui le nucléaire sous toutes ses formes fait partie de l'histoire même du pays. Sortir du nucléaire civil et militaire, c'est sortir de cette illusion. Ce ne peut se faire sans longues luttes intellectuelles et politiques. L'aide de démocrates de divers pays en Europe et ailleurs sera indispensable. Dans l'immédiat, la revendication du renoncement unilatéral de la France à la dissuasion, insuffisante encore, doit se faire entendre, y compris auprès de ceux qui dissocient, à tort, le nucléaire civil du nucléaire militaire, l'un et l'autre de plus en plus obsolètes. On n'a pas encore beaucoup évoqué la sortie du nucléaire civil grâce à l'abandon du nucléaire militaire : cette folie n'est point si folle ; le monde entier ne peut plus vivre sur des volcans et qui ne veut pas de la bombe iranienne serait fondé à s'interroger sur l'urgence de mettre les peuples à l'abri de tous les Fukushima comme de tous les Hiroshima.




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