vendredi 25 novembre 2011

L'impasse nucléaire

Et voilà qu'on nous refait le coup du "retour à la bougie" ! Et qui ça ? Nicolas Sarkozy lui-même, venu au Tricastin, évidemment pas par hasard, dire que les 4 réacteurs de la centrale, déjà anciens, seraient menacés par l'accord PS/EELV, et avec... les emplois locaux !



Il y a là une curieuse conception de "l'intérêt supérieur de la France" ! En effet, si cet intérêt était de tout miser sur les énergies renouvelables ne faudrait-il pas sortir du nucléaire puisqu'on ne peut tout faire à la fois ? Mais, dans l'hypothèse où "l'intérêt supérieur de la France" passerait par le nucléaire, ne faudrait-il pas abandonner et démanteler les réacteurs obsolètes, pour éviter tout accident et maintenir la sécurité maximale sur le parc nucléaire ?

La stupidité de l'argument du "retour au Moyen Âge", (quand la bougie et la chandelle étaient un progrès !), bien avant l'apparition de l'électricité, n'a d'égale que l'imbécilité de la critique du photovoltaïque ("la nuit il n'y a pas de soleil")...

La fin du nucléaire serait-elle donc totalement impossible, et même progressivement ? À entendre le chef de l'État français on pourrait le croire et, dès lors, il fragilise sa politique de façon caricaturale.

Il n'est en effet que quatre options possibles :
• le développement de l'industrie nucléaire à partir de la construction d'EPR ;
• la réduction de la part du nucléaire dans le mixte énergétique ;
• l'abandon progressif des centrales nucléaires au fur et à mesure de leur péremption ;
• la sortie du nucléaire programmée avec un calendrier de démantèlement des 58 réacteurs.

La première option, celle actuelle de l'UMP, ne peut s'envisager dans un contexte européen hostile et après le choc produit par la catastrophe de Fukushima. Le maintien volontariste d'une politique industrielle qui nécessite la conquête de marchés nouveaux est lié à une conception souverainiste et à un entêtement pseudo gaulliste intenables. En outre, cela nécessiterait un renforcement important de la sécurité des installations peu compatible avec les privatisations engagées et le recours à la sous traitance.

La seconde option, celle du PS, a pour faiblesse principale de ne pas toucher aux EPR et d'opposer, au sein du parti, les nostalgiques (qui se rappellent que 40 des 58 réacteurs furent construits durant les deux septennats de François Mitterrand !) et les modernes (qui savent bien que commencer à abandonner 24 réacteurs en fin de vie, sans les remplacer, amorcera la sortie du nucléaire).



La troisième option, à laquelle se rallient certains écologistes "réalistes" qui, soucieux de s'engager, avec les socialistes, dans la voie de l'alternance politique, concèdent un compromis, est la plus ambiguë, car elle ne garantit pas un abandon définitif du nucléaire. Elle ne fait que préparer, voire hâter la suppression de tout ce qui n'a plus de raison d'être, dans le parc nucléaire, en laissant à l'avenir le soin de trancher si l'on ira au-delà ou... ailleurs, vers un développement accéléré des énergies renouvelables.

La quatrième option n'est pas la plus radicale mais elle est la plus déterminée. C'est celle de l'Allemagne avec, en sus, un nouveau projet industriel français : l'ouverture de chantiers longs, dangereux, difficiles, de démantèlement de tous les réacteurs sur une période impossible à chiffrer avec reconversion des emplois et accompagnement de ce retrait par une politique massive d'isolation et de multiplications de toutes les possibilités de produire des énergies renouvelables.



Il est, hélas, inenvisageable de s'arrêter sur la cinquième option, celle qu'aurait été la fermeture immédiate des réacteurs avec leur remplacement par un mixte de solutions actuellement connues, mais très insuffisamment encouragées, alliant les énergies du vent (éoliennes), de la mer (hydroliennes), du soleil (photovoltaïque), de la terre (géothermie), des déchets (biomasse) et des déplacements (mobilité des êtres vivants). Il faut conserver cette utopie pour la faire passer, bribe par bribe, dans le champ de la réalité, au cours du siècle. Mais, en France tout au moins, c'est hors de notre portée.

Restent trois périls eux, imminents, en dépit des apparences et surtout à cause de notre manque de vigilance et d'imagination :
• le premier concerne l'existence de déchets radioactifs en quantité considérable dont nous cherchons, en vain, comment nous débarrasser et que nous ne savons que stocker dans des containers dont la fragilité est fonction de la construction et de l'âge. Aucune mine de sel (en Allemagne) ou aucune carrière profonde d'argile (en France, à Bures) ne peut, sur des siècles, permettre la mise à l'abri, la surveillance, et la mémoire active de ces rebuts d'une industrie qui n'a pas cent ans.
• le second concerne les risques de détériorations des centrales par des épisodes exceptionnels de violences climatiques ou sismiques, d'agression militaire ou terroriste ou, tout simplement, de défaillance techniques ou humaines ayant entrainé un accident majeur. La densité du parc nucléaire français fait peser une menace "statistique" et un risque de diffusion des effets d'une catastrophe sur l'Europe entière. Le risque zéro, en ce domaine, serait nécessaire compte tenu des conséquences révélées, tant en 1986, en Ukraine, qu'en 2011, au Japon, mais nul n'ignore que ce risque zéro appartient à des hypothèses technocratiques fausses.
• le troisième, et ce n'est pas le moindre, concerne le risque militaire. Il est multiple. La doctrine française de la dissuasion militaire oblige à entretenir des armes qui sont produites et entretenues par des spécialistes ayant tous des relations étroites avec le complexe militaro-industriel qui distingue, sans pouvoir les séparer, le civil et le militaire. La France ne peut renoncer à ses centrales parce qu'elle ne peut renoncer à ses bombes : dès l'origine, De Gaulle l'a voulu ainsi et l'on n'en est jamais sorti. Ce risque militaire que la France fait courir à ses ennemis éventuels, elle le court elle-même, car fragile est un pays qui dispose de centrales nucléaires qu'on peut endommager même si l'on n'est pas doté d'armes nucléaires !

C'est bien, sous cette problématique nucléaire, tout l'avenir industriel et toute la sécurité des Français qui sont en cause. En débattre, en 2012, n'aura jamais été aussi nécessaire. La voie du statu quo est non seulement une voie de garage, c'est une impasse, une atteinte à la civilisation.


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